Dans le cadre de mon programme d’entraînement 2015, je m’étais imposé de la course en trail – par curiosité, par goût du changement mais surtout, pour ajouter deux éléments de difficulté à mon entraînement : le dénivelé et le parcours accidenté. Mon expérience de la course en trail à ce jour se résumait à des sorties de course au Mont St-Bruno, 2 épreuves du TMRB (Tour du Mont-Royal à Brébeuf) et une course d’hiver sur le Mont Orford. « Fort de cette expérience », je me suis dit que j’étais prêt pour l’épreuve du 22 km du XTrail de Sutton, prévu le 30 mai. Hahahaha…
Le départ
Premier constat à mon arrivée : les participants sont en grande forme. Très grande forme. L’effervescence et la grande animation des courses grand public est moins présente; on sent que les gens sont concentrés et attendent le départ calmement. Pour ma part, j’ai hâte d’attaquer cette montagne que je ne connais pas si ce n’est qu’on l’apprécie pour ses sous-bois en ski l’hiver. Je me rappelle le conseil d’un ami qui me dit de « … prends un départ rapide pour être parmi les premiers à fouler les sentiers étroits ». Je m’installe dans le premier tiers des coureurs et au son du klaxon, je pars comme une fusée avec le peloton sur un pace de 4:30/km. C’est parti et en prime, sur une descente, pendant 400m. S’amorce ensuite une montée… qui monte… et qui rétrécit. « BIP » – la Garmin m’informe que je viens de compléter 1 km et que mon pace moyen est à 4:32/km. Ca s’annonce bien mais je ralentis car de la montée, il va y en avoir : un dénivelé total de 1000m.
La montée
D’un seul coup, le décor change: des troncs d’arbre qui font office de ponts, des flaques d’eau, de la boue, des racines, des roches et une montée qui n’en finit plus, avec une pente de plus en plus abrupte. La concentration est de mise pour éviter ces embûches mais aucun problème, c’est ça le trail. Et là, tout d’un coup, j’ai l’impression que cette course s’est mutée en escalade de la montagne. « BIP » – la Garmin m’informe que je viens de compléter mon 2e kilomètre en… 9:30/km!!! Ben voyons donc… ça ne se peut pas, la réception GPS doit être mauvaise. Je m’informe auprès de mes jambes qui me confirment que ça fait du sens et qui me demandent dans quelle galère je me suis embarqué. Bon, on continue car au 5e kilomètre, il y a une descente; je pourrai récupérer la forme et le temps perdu.
La descente… en enfer
Deuxième constat : la descente en trail n’est aucunement garante d’une vitesse rapide. Certes, certains coureurs expérimentés ou téméraires dévalent au pas de course les sentiers enjambant roches et racines tout en se frayant un chemin entre les branches d’arbres. Je prends la « sage » décision de conserver le plus intact possible mes chevilles et de ne pas prendre ce risque. Cependant, il est clair que la Garmin n’a pas son utilité dans ce monde hostile et que je n’ai pas le luxe de regarder mon temps au risque de me retrouver étendu dans la boue ou le nez enfoncé contre un tronc d’arbre.
Au sommet du monde
A force de me focuser sur les 3 mètres au-devant de moi pour identifier le tracé le moins hostile à prendre, j’en oublie le temps. Tout d’un coup, au loin, j’aperçois une clairière. Quel plaisir d’apercevoir ce changement de paysage, moi qui croise des arbres depuis 1h45. Mais la joie fut de courte durée : la clairière n’est qu’un faux-plat d’une pente « double diamant » qu’il fallait monter, gravir, escalader… Heureusement, il y a de gentils bénévoles qui nous informent qu’il y une récompense au sommet, soit le seul point de ravitaillement en eau de la course. Une pause s’impose car je veux immortaliser le paysage et sincèrement, je n’ai pas envie d’être immortalisé définitivement, à 42 ans, sur cette pente de ski. Soixante secondes plus tard, je repars, atteint le sommet du monde, remplis mon sac d’hydratation, prends un verre de Gatorade et fais un calcul mental : 1h45, 60% du parcours complété, la suite étant à 2/3 de la descente… je devrais terminer avec un chrono sous les 3 heures. C’est un ingénieur gavé de liquide et d’espoir qui attaque la suite du parcours.
Des parois…
L’espoir a rapidement laissé sa place à la réalité – ce parcours est considéré comme l’un des plus techniques en trail au Québec et croyez-moi, il fait honneur à sa réputation. En fait, je me demande de plus en plus pourquoi on l’appelle la « course XTrail de Sutton » : en ce moment précis, je me dis que « expédition XTrail de Sutton » serait plus approprié… C’est carrément de l’escalade de parois de montagne qu’on nous offre, avec des pentes oscillant entre 30 et 50% de dénivelé. C’est le silence parmi les coureurs, le seul son perceptible étant celui des respirations haletantes de plusieurs participants.
… des muscles…
Cet enchaînement de montées et de descentes, d’escalades et d’enfilades de sentiers tortueux met à l’épreuve mes muscles, incluant certains donc je ne connaissais pas l’existence à ce jour. J’ai en mémoire mon entraîneur qui m’explique l’importance de la préparation musculaire avant une telle épreuve. Je me promets d’en prendre note et de l’appliquer pour la prochaine épreuve.
… et de la boue
A force de gravir les parois, il fallait bien redescendre. Et c’est là qu’on reconnaît l’humilité d’un coureur de trail : finir la course, voilà le SEUL objectif. Et peu importe l’état dans lequel on la termine. Si au début du parcours je me souciais de ne pas mettre les pieds dans l’eau ou la boue, à cette étape de la course, je m’assure que mon soulier me suive lorsque je mets le pied dans la boue. Je me dis également que Tide aurait fait un super coup marketing de fournir à chaque coureur un sachet de lessive car de la boue, il y en a partout, même dans les souliers!
L’arrivée: déjà??
Ayant oublié le temps, n’ayant aucun repère et étant focusé sur le parcours à prendre pour éviter de me fouler une cheville ou me tuer, j’en oublie presque que cette course va finir. C’est en voyant les pylônes des remontées mécaniques que je me rends compte qu’on approche de la ligne d’arrivée. Je regarde ma montre : cela fait plus de 3 heures que je cours. L’adrénaline de l’accomplissement apparaît subitement. Dernière descente, on bombe le torse, on accélère… un peu mais surtout, on est fier.
Très fier de croiser le fil d’arrivée, de recevoir SA médaille, d’être capable de tenir debout et même de marcher et comble de bonheur, se faire accueillir par son fidèle supporter qui n’en revient pas que j’aie bouclé l’épreuve et que j’affiche une forme relativement bonne! Après avoir consommé quelques quartiers d’orange, bu de l’eau et effectuer des étirements de base, je m’allonge sur le gazon. Il fait beau, chaud, je viens de boucler 22km en 3h17, j’ai souffert mais je suis toujours vivant et plus que jamais, motivé de courir.
Épilogue
Un conseil : abordez la course en trail avec un objectif, soit de terminer la course. Tous les « traileurs » vous le diront, même les meilleurs. Laissez votre montre à la maison s’il le faut car les parcours techniques demandent beaucoup de concentration. Équipez-vous de souliers adéquats et planifiez-vous une bonne douche – elle sera nécessaire!
Belle course!
Ouais surtout la partie de tes souliers
C’est la course en sentier la plus difficile que j’ai faite. Elle exige une bonne préparation. Je suis tout de même arrivé 4e dans ma catégorie d’äge.